La location courte durée : un régime encadré, fortement surveillé

Investir dans la location courte durée, type location saisonnière (Airbnb, Abritel, Booking…), séduit de nombreux propriétaires. Mais la souplesse apparente cache un environnement réglementaire dense et évolutif. Les contrôles se multiplient, les communes se dotent d’outils anti-abus, et les amendes grimpent vite. À Paris, par exemple, plus de 370 propriétaires ont été condamnés en 2023 pour non-respect de la réglementation, totalisant près de 8 millions d’euros d’amendes (source : Le Figaro Immobilier, décembre 2023).

Quels sont les jalons à connaître avant de se lancer ? Faisons le point, étape par étape, pour éviter les faux pas qui peuvent anéantir la rentabilité d’un projet.

Définition et cadre légal de la location courte durée

La location en courte durée, aussi appelée “meublé de tourisme”, consiste à louer un logement (maison, appartement, studio) entier ou une chambre pour des séjours de passage allant de quelques jours à plusieurs semaines, le plus souvent à une clientèle de loisirs ou professionnelle.

  • Il s’agit d’un usage d’habitation, mais à titre temporaire.
  • On distingue location de résidence principale (< 120 jours/an autorisé) et location de résidence secondaire (régime plus strict).
  • Elle diffère du bail mobilité ou du bail meublé classique par la très courte durée d’occupation.

Le Code du tourisme (article L.324-1-1) encadre très strictement cette activité et impose une déclaration préalable à la mairie.

Déclarer son activité : démarches obligatoires selon le lieu et le type de bien

La première obligation fondamentale est la déclaration du logement en mairie (Service Public), généralement au moyen d’un formulaire Cerfa 14004*04. Cela s’applique systématiquement que l’on soit propriétaire ou locataire (attention cependant à l’accord du propriétaire et aux clauses du bail).

En fonction de votre commune :

  • Dans toutes les communes : Toute mise en location doit être déclarée.
  • Dans les villes de plus de 200 000 habitants et la Petite Couronne parisienne :
    • Déclaration obligatoire.
    • Obtention d’un numéro d’enregistrement unique à apposer sur les annonces en ligne.
  • Dans certaines communes (Paris, Lyon, Bordeaux, Nice, etc.) :
    • Obligation de changement d’usage pour passer un local d’habitation en meublé touristique, avec démarche administrative rigoureuse.
    • Dans certains cas, une compensation ("donner" un autre bien en logement classique) peut être imposée pour préserver le parc à loyer classique (cf. Ville de Paris).

Sanctions : Oublier la déclaration peut exposer à des amendes administratives allant jusqu’à 5 000 € (ou 50 000 € pour absence de changement d’usage à Paris) – source : Paris.fr, 2024.

Respect du règlement de copropriété et du voisinage

Outre la législation nationale, l’autorisation de la copropriété est indispensable :

  • Vérifiez systématiquement le règlement de copropriété : certaines clauses interdisent toute location de courte durée incompatible avec la destination de l’immeuble (“habitation bourgeoise”, “occupation familiale exclusivement”).
  • L’accord préalable de l’assemblée générale peut être nécessaire en cas de modification de l’usage du lot.

L’absence de respect du règlement peut entraîner l’annulation du bail et l’obligation de cesser toute activité lucrative, avec parfois des dommages-intérêts pour trouble de jouissance des voisins (nombreuses jurisprudences récentes, cf. Dalloz).

Normes de sécurité et décence du logement

La location de courte durée est soumise aux mêmes exigences de sécurité et de salubrité que la location classique :

  1. Logement décent : surface minimale (9m²), absence de risque manifeste pour la sécurité physique ou la santé, ventilation, eau, électricité aux normes (Décret n°2002-120 du 30 janvier 2002).
  2. Équipements obligatoires : mobilier (literie, table, chaises, équipements de cuisine…), détecteur de fumée, dispositifs anti-incendie.
  3. Diagnostic technique : DPE (depuis juillet 2021, communication obligatoire du DPE pour toute mise en location, même de courte durée), diagnostic plomb pour les biens construits avant 1949, ERNMT (état des risques naturels, miniers et technologiques) selon la localisation.

Attention : depuis août 2022, il est interdit de louer des logements très énergivores (DPE classé G) en location courte durée (Source : Ministère de la Transition Écologique).

Obligations d’information et fiscalité

Les plateformes telles qu’Airbnb ou Booking imposent déjà plusieurs informations légales à afficher :

  • Numéro d’enregistrement de la mairie sur toutes les annonces.
  • Affichage précis de la capacité maximale d’accueil, du nombre de pièces et de couchages.
  • Tarif ménages, taxes, supplément éventuel.

Taxe de séjour

En général, les plateformes la collectent et la reversent automatiquement pour les communes ayant opté pour la taxation (taux variable localement, de 0,50 à 5€ par nuit/par personne – cf. DGFiP). Sur une gestion en direct, le bailleur doit la collecter puis la reverser à la collectivité (DGFiP).

Impôts sur les revenus

  • Tous les revenus issus de la location saisonnière sont imposables en BIC (Bénéfices industriels et commerciaux).
  • Micro-BIC (< 77 700 € de CA/an) : abattement de 50 % pour charges (sauf meublés de tourisme classés, abattement de 71 % sous conditions).
  • Régime réel : déduction des charges réelles (intérêts d’emprunt, taxes foncières, dépenses d’entretien, charges de copro).
  • Obligation de déclaration des loyers auprès des impôts, y compris si la plateforme verse directement (à partir de 3 000 € et 20 transactions/an, les plateformes transmettent automatiquement à l’administration fiscale depuis 2020 – source : Bercy Infos).

Astuce : Le classement en “meublé de tourisme” (via Atout France) ouvre la voie à un abattement fiscal renforcé : 71 % au lieu de 50 %, sans compter la valorisation sur les plateformes. Près de 130 000 meublés classés fin 2023 (source : Atout France).

Durée et modalités de location : des limites à ne pas franchir

  • Location de la résidence principale : Maximum de 120 jours / an (soit 33 % de l’année calendaire). Les plateformes bloquent toute réservation au-delà, à Paris notamment.
  • Location d’une résidence secondaire : Pas de plafond national, mais attention aux règlements locaux. Par exemple, Paris, Nice, Bordeaux imposent un plafond (généralement 120 jours aussi) ou des restrictions draconiennes.

Le cumul de nuitées ou de biens sans respect de ces plafonds expose à des contrôles (les plateformes communiquent systématiquement aux communes l’identité des bailleurs).

Responsabilité civile et assurances spécifiques

La responsabilité du bailleur est pleinement engagée. Un sinistre dans le logement peut avoir des conséquences lourdes, tant pour la sécurité des personnes hébergées que pour les voisins ou tiers.

  • Assurance responsabilité civile “location meublée de tourisme” : fortement recommandée, parfois exigée par la copropriété ou la commune.
  • Certains contrats “multirisques habitation” excluent la location courte durée : une extension ou un contrat spécifique est alors obligatoire.
  • Les plateformes intègrent ponctuellement une assurance “hôte” (par exemple, Airbnb avec son “AirCover” jusqu’à 3 millions € d’indemnisation), mais elle ne dispense pas d’une couverture personnelle solide.

Les litiges pour défaut d’assurance sont un motif courant d’exclusion et d’amende.

Points de vigilance et évolutions récentes

  • Les communes renforcent chaque année leur arsenal (contrôles inopinés, signalements facilités, action des bailleurs sociaux).
  • Les frais de régularisation peuvent aller jusqu’à plusieurs dizaines de milliers d’euros (une propriétaire a été condamnée à 58 000 € d’amende à Paris en 2023 pour sous-location illicite, Le Figaro Immobilier).
  • Obligation depuis 2023 de signaler ses revenus générés par les plateformes sur l’espace particulier des impôts (champ “Revenus des plateformes”, décret du 23 janvier 2023).
  • Volonté politique de limiter la location courte durée dans les “zones tendues”, notamment dans les stations de ski et villes touristiques (propositions de loi en cours pour réserver la location touristique à 60 jours/an dans certaines stations, source : Assemblée nationale, projet 2024).

La réglementation évolue très vite et la vigilance est de mise. Les propriétaires ont désormais accès à des opérations de “mise en conformité” facilitées dans certaines grandes villes pour régulariser leur situation à moindres frais (consultation gratuite en mairie, accompagnement juridique).

Résumé pratique des démarches incontournables

Étapes Action à mener
1. Vérifier l’autorisation Consulter les règles locales, règlement de copropriété, demande d’accord si besoin
2. Déclarer en mairie Formulaire Cerfa, obtention du numéro d’enregistrement
3. Respecter les normes et diagnostics DPE, sécurité, salubrité, équipement, détecteur de fumée
4. Souscrire une assurance adaptée Assurance ad hoc, extension de garantie, déclaration à l’assureur
5. Collecter la taxe de séjour Via la plateforme ou en direct auprès de la commune
6. Déclarer ses revenus locatifs Choix du régime fiscal, renseignement en BIC, suivi du plafond de nuitées

Anticiper pour sécuriser sa rentabilité

Le succès de la location courte durée n’est plus synonyme de laisser-faire. Les règles se durcissent, les contrôles s’automatisent, et la conformité réglementaire est devenue un prérequis indispensable pour pérenniser son activité et éviter la perte sèche que peut représenter une amende ou un redressement fiscal. Mieux connaître ses obligations, c’est transformer la contrainte en opportunité, car une gestion professionnelle et transparente valorise le bien et rassure les locataires aussi bien que l’administration.

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