Anticiper les risques locatifs : pourquoi le profil du locataire est capital

L’un des écueils majeurs de l’investissement locatif reste la gestion d’un mauvais payeur ou d’un locataire inadapté à l’usage prévu du logement. Chaque année, selon l’ANIL, environ 2% des locations présentent des impayés supérieurs à trois mois, soit près de 250 000 situations à risque en France. Définir le profil de son « locataire cible » n’a donc rien d’accessoire : c’est une étape structurante qui impacte directement la pérennité des revenus locatifs, la préservation du bien, ainsi que la tranquillité du propriétaire.

La définition du profil idéal dépend de la nature du bien (studio, T2 familial, maison, logement de prestige), de la localisation, et du mode de gestion (location nue, meublée, colocation, bail mobilité, etc.). Il n’existe pas de candidat « parfait » universel, mais une adéquation à rechercher entre les exigences du propriétaire, la demande locale et la réalité du marché.

1. Étudier le marché local et identifier la demande dominante

Avant même de rencontrer un candidat, il est indispensable d’analyser les profils types recherchés localement. Selon l’observatoire Clameur, un studio loué dans le centre de Lyon a 60% de chances d’accueillir un étudiant, alors qu’un T3 dans la même zone sera convoité en majorité par des couples actifs ou des familles monoparentales. Questions à se poser :

  • Qui recherche principalement ce type de bien dans ce quartier ? (étudiants, jeunes actifs, familles...)
  • Quelles sont les attentes spécifiques de ces publics ? (meublé, accès transports, école, parking, équipements...)
  • Quel est le taux de mobilité locative dans la zone ? (Pour un studio à Marseille : 40% de turn-over/an selon LocService ; pour un T3 à Angers : moins de 15%.)
  • Quel est le niveau de solvabilité moyenne des candidats dans ce secteur ?

Un bon ciblage commence toujours par ces constats factuels, à croiser avec les données de l’INSEE, les plateformes de location (SeLoger, PAP) et les retours de professionnels locaux.

2. Déterminer des critères objectifs : solvabilité et stabilité

Le critère numéro un pour un propriétaire reste la capacité du locataire à payer son loyer. Toutefois, une sélection pragmatique se doit d’aller au-delà de la « règle » des 3 fois le montant du loyer.

  • Ressources durables : Contrat de travail (CDI hors période d’essai), statut de fonctionnaire, activité indépendante solide (2 à 3 bilans positifs), retraités sous pension.
  • Taux d’effort : Le taux d’effort locatif recommandé se situe sous 33%. Ex : Pour un loyer charges comprises de 900 €, le locataire doit justifier de 2 700 € nets par mois. (Source : Banque de France, guide « Mieux louer ».)
  • Garantie complémentaire : Certains dossiers « hors norme » (étudiant, CDD, expatrié...) compensent un revenu inférieur en présentant un garant solide ou une caution bancaire (Visa pour le Logement et l’Emploi de l’État, etc.).
  • Antécédents locatifs : Un justificatif d’ancienneté dans le précédent logement, une attestation de paiement des loyers, ou un historique sans litiges sont des points clés.

Attention à ne pas écarter d’office des profils atypiques (jeunes entrepreneurs ou expatriés). Beaucoup sont parfaitement fiables lorsqu’ils s’appuient sur de solides garants ou présentent un « garant Garantme » par exemple (garantie privée reconnue par de nombreux bailleurs).

3. Les critères de savoir-être : éviter les conflits et préserver le bien

La relation avec le locataire n’est pas seulement contractuelle. Un locataire respectueux du règlement, soigneux avec le logement et courtois facilite la gestion et apaise les éventuels litiges. Les signes à détecter :

  • Communication claire : Un candidat ponctuel, courtois et précis dans ses réponses écrites ou orales rassure et inspire confiance.
  • Présentation du dossier : Un dossier bien préparé, ordonné, avec tous les documents justificatifs, témoigne du sérieux du candidat.
  • Passage en revue du projet de location : Prendre le temps d’échanger sur les habitudes de vie (nuit/travail, animaux, colocations, home office…) permet d’anticiper d’éventuelles sources de désaccords.
  • Réactivité : Une personne qui répond vite à une proposition ou à une demande de précision sera probablement tout aussi réactive en cas de souci dans le bien.

D’après une enquête du site PAP, près de 70% des propriétaires considèrent que « le premier rdv et l’échange humain comptent au moins autant que le dossier financier » en cas d’hésitation entre plusieurs candidats.

4. Adapter ses critères au cadre légal et éviter la discrimination

La loi française encadre strictement la sélection des locataires. Toute discrimination fondée sur l’origine, le sexe, l’apparence, la situation familiale, ou l’état de santé, est interdite (art. 225-1 et suivants du Code pénal). Les points à respecter scrupuleusement :

  • Documents à demander : Se référer à la liste exhaustive fixée par le décret n°2015-1437 du 5 novembre 2015 (ex : pièce d’identité, justificatifs de domicile, ressources, etc.). Les demandes de RIB ou de « test de grossesse » sont illégales.
  • Questions à éviter : Toute question sur la religion, la situation maritale, l’orientation sexuelle, la santé, ou la nationalité hors pièce d’identité.
  • Droit à la vie privée : Il est interdit d’appeler les anciens propriétaires du candidat sans son autorisation écrite.

Une annonce bien rédigée, précisant les critères attendus (revenus, nombre de personnes maximum, politique sur les animaux…), évite les malentendus et protège le bailleur en cas de contestation.

5. Les astuces de pros pour sécuriser la location

  • Miser sur la garantie Visale (Action Logement) : Elle couvre les impayés pour les jeunes actifs, salariés précaires ou étudiants sans garant familial, et séduit 400 000 bailleurs privés en 2023.
  • Interroger la motivation : La question « Pourquoi souhaitez-vous ce logement ? » permet souvent de distinguer les dossiers opportunistes des candidats véritablement intéressés et impliqués.
  • Préférer une visite groupée : Cette technique (utilisée par nombre d’agences) encourage les candidats à se présenter sous leur meilleur jour et permet au bailleur de comparer efficacement en quelques heures.
  • Assurer l’authenticité des pièces : Selon la FNAIM, près de 10% des dossiers comportent un ou plusieurs documents falsifiés. Utiliser des services de vérification en ligne (FranceConnect pour avis d’imposition, OpenFacto pour fiches de paie) diminue le risque.
  • Ne pas négliger le face-à-face : Même à l’ère du numérique, le contact direct reste le meilleur filtre pour juger du sérieux du candidat.

Adapter la sélection au type de bien et à la stratégie patrimoniale

Un appartement en location meublée courte durée n’impose pas les mêmes critères qu’une location nue classique. Dans certains cas :

  • Colocation : La cooptation (validation des nouveaux colocataires par les occupants déjà en place) fonctionne souvent mieux que le choix unilatéral du bailleur.
  • Logement haut de gamme : Attentes renforcées sur les références professionnelles, la stabilité, et parfois l’image sociale des futurs occupants.
  • Bail mobilité : Approche plus souple, adaptée aux publics en transition (missions pro, stages, formations), avec une analyse centrée sur la durée et la nature de l’occupation.

Il convient donc de faire coïncider la sélection des candidats avec la stratégie immobilière (maximiser le taux de remplissage, minimiser l’usure, privilégier la stabilité ou la rentabilité pure).

Focus : Chiffres clés sur la typologie des impayés et profils à risque

Type de locataire Taux d’impayés >3 mois (source : ANIL 2022) Remarques
Étudiants 0,9% Faible risque si garant solide
Jeunes actifs en CDD 2,4% Risque élevé sauf garantie Visale ou garant confirmé
Retraités 0,7% Rendement modéré mais bonne stabilité
Familles monoparentales 2,1% Surveiller stabilité et source des allocations
Indépendants 3,0% Exiger bilans solides ou caution bancaire

La sélection du locataire, le premier acte d’une gestion sereine

Définir le profil idéal de son futur locataire repose sur une double logique : analyser factuellement le marché, et appliquer une grille de critères à la fois exigeante et conforme à la loi. Les meilleures locations s’opèrent toujours à l’intersection d’un bien adapté, d’une demande locale correctement ciblée, et d’un candidat répondant rigoureusement aux critères objectifs (revenus, garanties) sans négliger le savoir-être.

En s’appuyant sur des outils fiables, des références prouvées et un entretien soigné, le propriétaire limite l’aléa et pose les bases d'une relation équilibrée avec son locataire. Une sélection rigoureuse ne garantit pas l’absence totale de problèmes, mais elle multiplie les chances de louer longtemps, sans impayés, et de valoriser durablement son investissement.

Ajuster ses critères à la nature du bien, rester vigilant sans tomber dans l’excès de zèle, et assurer un climat de confiance dès la première visite : telles sont les clés pour devenir un bailleur averti et satisfait.

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